Les feuilles sont tombées des arbres et on trouve plus de baies toxiques que de fruits sur les arbres. Pourtant, cette saison hivernale qui semble plutôt austère nous offre tout de même des matières tinctoriales. La preuve par l’exemple avec le cerisier et les prunus en général.

LE CERISIER, UN ARBRE PARFUMÉ

Aujourd’hui on se lance dans la teinture au cerisier de Sainte-Lucie (prunus mahaleb) ou au merisier à grappes (prunus padus). On trouve ces deux arbres partout en France, même si le merisier à grappes est plus répandu dans le Nord du pays. Pour une bonne raison : le merisier préfère les sols détrempés ou humides, et s’installe volontiers sur les bords de cours d’eau. Le cerisier de Sainte-Lucie, lui, préfère les régions chaudes et leurs sols rocailleux et calcaires. Ainsi on le trouve aussi en Asie centrale (Arménie,Turquie, Iran, Irak, Turkménistan, Tadjikistan, Kirghizistan…)

Le merisier, avec ses 2 à 10 mètres de hauteur, est plus petit que le cerisier qui peut atteindre les 12 mètres. Tous deux nous épatent avec leurs belles floraisons odorantes aux mois de mai et juin. Mais historiquement c’est plutôt les noyaux des fruits ou le bois du cerisier qui ont servi aux Hommes dans leur vie quotidienne. Au Proche-Orient, les noyaux des fruits, broyés, forment une épice appelée “mahaleb” utilisée pour parfumer des pains et brioches. Dans les Vosges, les artisans utilisaient son bois pour fabriquer des pipes donnant un arôme particulier au tabac ou encore des manches de parapluie ! Enfin, comme pour de nombreux végétaux, une utilisation traditionnelle était aussi faite du cerisier pour teindre, et c’est ce qui nous occupe aujourd’hui.

En automne, nous vous avions proposé une teinture avec les fruits de la vigne vierge qui donnent des tons bleutés (tout comme les fruits de merisier ou cerisier). Pour se réchauffer, nous avons cette fois choisi une couleur plutôt chaude avec cette teinture aux écorces de prunus, qui nous donnent de belles teintes oranges à brunes. En prime, cette teinture naturelle résiste très bien au lavage et à la lumière.

LA TEINTURE : MARCHE À SUIVRE

Vous avez envie d’en savoir plus sur les teintures naturelles ? Venez vous initier à la sérigraphie et à la teinture avec Cueillette le temps d’un atelier . Tous les renseignements se trouvent ici !

La récolte et la préparation

Après les feuilles, les rameaux et les fruits, c’est désormais au tour de l’écorce de nous servir de matière pour la teinture. Sachez que si c’est aujourd’hui plus particulièrement le cerisier de Sainte-Lucie et le merisier à grappes que nous vous avons présenté, toutes les écorces de prunus sont utiles en teinture. Ainsi, si vous ne les trouvez pas ou que vous ne les distinguez pas des autres prunus, vous pouvez expérimenter sans problème avec probablement un bon résultat.

La première étape consiste à prélever de l’écorce sur un arbre, en hiver. Attention à le faire sur un arbre visiblement assez mature : les plus jeunes supportent peu le retrait de leur écorce. Et évidemment, faites-le avec parcimonie.

On utilise ensuite l’écorce fraîche ou sèche, indifféremment. Broyez ou hâchez-la. Puis, faites macérer la matière dans une quantité d’eau assez importante pour teindre ensuite. Le temps de macération est de minimum 24h, quelques jours étant encore le mieux.

Le mordançage

Comme d’habitude, afin que la couleur se fixe bien sur le tissu, il faut mordancer les fibres (pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article Comment teindre avec des colorants naturels ?). Comme pour le micocoulier et la vigne vierge, le mordançage se fait à l’alun combiné au tartre.

La préparation du bain

Une fois l’écorce macérée, on met le tout à chauffer dans un grand pot. Il s’agit de maintenir la préparation à ébullition douce pendant deux à trois heures. A l’issue de ce temps, laissez refroidir avant de filtrer le bain (attention à bien le garder!) et de mettre en sac l’écorce broyée.

Le bain de teinture

Dans le bain que vous avez gardé, avec le sac d’écorce à l’intérieur, plongez votre tissu mordancé, mouillé et essoré. Imprégnez-le bien de ce bain de teinture. Puis, faites chauffer le tout entre 1h et 1h30 en tournant régulièrement le tissu pour une teinture plus uniforme.

Enfin, laissez refroidir à l’intérieur du bain. Il n’y a ensuite plus qu’à sortir le tissu, le rincer et le sécher !

Une bonne activité pour occuper les dimanches d’hiver, non ?

teinture-naturelle-carthame

Bain de plantes oranges

Passeoire

Découvrir d’autres teinture saisonnières

Références

  • Marie Marquet, Guide des teintures naturelles, Plantes à fleurs, Éditions Belin, Paris, 2011
  • Prunus Mahaleb, nature.jardin.free.fr. A découvrir ici