Nous avons publié il y a quelques temps un article dans lequel nous vous expliquions les bases de la teinture naturelle. Nous vous avions promis de revenir plus en détails sur certaines matières colorantes, c’est le but de cet article.

Les matières végétales – feuilles, fleurs, fruit, écorces, lichens – et issues d’insectes et de coquillages sont utilisées depuis des temps ancestraux pour colorer et teindre. Au fil du temps, chaque civilisation a développé des habitudes de teinture différentes en fonction des espèces présentes naturellement là où ils vivaient.

Les teintures naturelles sont à l’origine de traditions culturelles et de pratiques artistiques comme le shibori né au Japon et utilisant l’indigo.

Elles ont progressivement perdu en vitesse au profit des colorants synthétiques à partir de la fin du XVIIIe siècle, entraînant avec elles le métier des teinturiers et les traditions, pratiques et savoirs qu’ils perpétuaient.

Les familles de colorants

Il existe plusieurs familles chimiques de colorants. Les plus importantes concernant les teintures naturelles sont les quinones (rouges, roux et violets), les flavonoïdes (jaunes, ocres et verts), les alcaloïdes (jaunes d’or), les tanins (colorants noirs et propriétés fixatrices) et les indigoïdes (bleus ou violets).

Ces familles sont divisées en sous-groupes. Par exemple, la famille des quinones rassemble principalement les anthraquinones (colorant rouge) et les naphtoquinones (colorants violet et vert).

Une même matière colorante peut contenir des colorants de différents sous-groupes. L’harmonie entre des pièces teintes avec des colorants naturels est donc assurée.

Ainsi, plusieurs couleurs peuvent être obtenues à partir d’une même matière lors d’une teinture. Par exemple, le millepertuis contient à la fois des flavonoïdes et des tanins. Il est donc susceptible de donner, selon la préparation des plantes et des fibres du tissu à teindre, des couleurs allant du jaune vif au rouge, en passant par le vert.

Ces familles et sous-groupes offrent d’inégales capacités de résistance de la teinture à la lumière.

5 couleurs naturelles à la loupe

Bleu indigo

Le moyen le plus répandu  pour obtenir un beau bleu en teinture naturelle est sans conteste l’utilisation de l’indigo. Celui-ci est, avec la pourpre, le colorant dont l’utilisation est la plus ancienne partout dans le monde, remontant à la Préhistoire. L’indigo n’est pas lui-même une plante. Ce très célèbre colorant s’obtient à partir d’extraits de divers végétaux, nommés “plantes indigofères”. Ceux-ci diffèrent selon les régions du monde, mais les plus célèbres sont le pastel des teinturiers et l’indigotier. Le pastel des teinturier est présent en Europe et en Afrique du Nord. L’indigotier, lui, est plutôt présent en Asie et dans le reste du continent africain.

Il est possible d’utiliser d’autres plantes que l’indigo pour teindre en bleu, l’écorce de campêche ou le chou rouge notamment. Leur résistance au lavage et à la lumière est cependant moins élevée que celle de l’indigo.

Rouge garance, rouge cochenille

Historiquement, les premières teintures en rouge ont été faites grâce à la poudre d’ocre, puis grâce à la pourpre (colorant élaboré à partir d’un coquillage). On a ensuite découvert les propriétés tinctoriales de la garance. La garance a été utilisée dès l’Antiquité en Inde, en Egypte, chez les Romains, au Moyen-Orient… C’est donc une plante tinctoriale très importante dans le domaine. Pour obtenir un colorant de la garance, il faut réduire en poudre ses racines séchées.

Au Moyen-Âge, les seigneurs utilisent les oeufs de cochenille pour obtenir une couleur plus vibrante et montrer leur statut social élevé – la fabrication du colorant étant très coûteuse. Le colorant élaboré à partir de cochenille est obtenu lui aussi par réduction en poudre des oeufs de cochenille séchés. Au-delà des teintures, il est aujourd’hui très utilisé dans l’industrie alimentaire.

Jaune réséda et oignon jaune

Le réséda et les pelures d’oignon contiennent des pigments de la famille des flavonoïdes et peuvent donc être utilisés pour teindre en jaune.

Le réséda est lui aussi une star des teintures dès les tout débuts. Ce n’est pas pour rien que l’espèce utilisée s’appelle en français “réséda des teinturiers” ! Sans additif, il donne un jaune, mais il permet aussi de créer des couleurs difficilement à obtenir avec un ajout de cuivre, par exemple.

L’oignon, originaire du Moyen-Orient, est traditionnellement utilisé pour peindre les oeufs de Pâques en Europe de l’Est et en Russie. En plus des flavonoïdes, les oignons jaunes contiennent des tanins, ce qui fait que le jaune obtenu tire plus sur le orange que celui du réséda.

Rose carthame

Entrons dans les couleurs moins classiques des teintures naturelles.

Originaire d’Asie, la carthame est cultivée depuis longtemps pour les belles nuances du fuchsia au rouge que ses pétales peuvent donner. Elle a été très appréciée pour la teinture de la soie en Chine, au Japon et en Inde. On peut obtenir la couleur en teinture sans mordançage, mais malheureusement elle est assez peu résistante à la lumière.

Le rose peut également être obtenu, après mordançage, à partir de fleurs d’hibiscus qui donnent un rose grisé, ou encore de baies comme le sureau par exemple.

Le vert : toute une histoire pour l’obtenir !

Très peu de matières colorantes permettent, sans mélange ou additif, d’obtenir une teinture verte. Certains végétaux peuvent, avec une préparation spécifique des feuilles, donner du vert, comme le millepertuis. Cependant, la résistance de la teinture à la lumière et au lavage est dans ces cas-là généralement faible.

Dès le Moyen-Âge, les teinturiers associent donc un bain de réséda avec un bain de pastel pour teindre des tissus en vert. Une autre possibilité est de mélanger en un seul bain des colorants jaunes et bleus (autre que l’indigo).  La difficulté de teindre en vert et l’instabilité de la couleur est à l’origine de la symbolique du vert en Occident. Son instabilité technique lui a donné son image de couleur du hasard et de la destinée… Mais ça, c’est une autre histoire ! 

Quelles sont les autres couleurs pour lesquelles vous aimeriez connaître les matières naturelles à leur origine ?

 

Ouvrage de référence

  • Marie Marquet, Guide des teintures naturelles, Plantes à fleurs, Editions Belin, Paris, 2011.